L’exemple de Carrefour
Il y a quelques années, j’accompagnais le groupe Carrefour dans la création de sa marque dédiée au snacking « Bon app’ » (que vous retrouverez dans mon Portfolio : https://www.madewithcuriosity.com/portfolio/carrefour-bon-app/)
Ce projet, qui a duré plus de 3 ans et a fait l’objet de plusieurs tests, a abouti aujourd’hui au lancement de 2 points de vente indépendants des magasins.
L’idée de départ était de réinventer l’univers du prêt à manger au sein des magasins du groupe Carrefour, en s’inspirant notamment de la restauration rapide « saine », pour se démarquer des marques nationales du rayon snacking à l’image plutôt « industrielle » (ex. Daunat). En effet, peu de distributeurs proposaient alors une offre complète et fraîche, alliant recettes gourmandes, saines et originales (excepté Monoprix).
Avec Bon app’, Carrefour est allé au-delà de la simple marque de distributeur :
> Plus de 90 produits ont été développés (tant en termes de recette que de conditionnement), avec des gammes qui se renouvellent régulièrement : dernièrement la gamme premium « Bon App’ L’envie du jour » a misé sur des recettes tendances et raffinées, élaborées avec des ingrédients de qualité, mais toujours à des prix accessibles.
> Un véritable espace dédié à la pause déjeuner a été créé en magasins.
> En 2015, la marque devient un vrai concept avec l’ouverture fin mars de son premier point de vente indépendant des supermarchés (dans le Marais à Paris), suivant ainsi le modèle des Monop’daily (anciennement Daily’Monop…hum, j’espère qu’ils n’ont pas payé ce changement de nom trop cher ;)). Une deuxième ouverture est prévue sous peu dans la gare RER Auber.
Notons que Carrefour a fait le choix de ne pas reprendre les codes graphiques de la charte utilisée à l’origine dans les supermarchés et sur les packagings (et qui semble toujours être de mise, au vu de la dernière gamme que je trouve d’ailleurs très réussie). Il semblerait qu’ils aient souhaité se rapprocher des codes utilisés par Monop’daily pour cette enseigne citadine, et la dissocier des codes utilisés sur les produits. Personnellement je trouve cela dommage car moins singulière et moins moderne que la charte existante, mais ce n’est que mon humble avis et je manque peut-être d’objectivité !
J’accompagnais également Carrefour sur le développement de la 1ère « marque de distributeur terroir » Reflets de France
(détails ici : https://www.madewithcuriosity.com/portfolio/carrefour-reflets-de-france/) qui a également vocation (et un immense potentiel !) à se développer bien au-delà des produits, notamment à l’international. Mais je n’en dirai pas plus, ces projets étant encore confidentiels.
L’innovation au service de la différenciation
A l’origine les marques de distributeurs (MDD ou marques propres) étaient destinées à rendre accessible à tous les produits de base : sans aucun marketing pour des prix réduits (ces produits pourraient correspondre aujourd’hui aux Premiers Prix).
C’est Carrefour qui fut à l’origine de la bataille commerciale MDD/marques nationales, en créant en 1976 ses « produits libres ». Concurrence oblige, les autres distributeurs l’ont suivi rapidement.
Dès 1901 cependant, Casino faisait déjà fabriquer son propre chocolat. Mais c’est le distributeur britannique Sainsbury’s qui créa la 1ère vraie MDD en 1869. Et en matière de MDD, les Anglais ont conservé leur longueur d’avance (pour Bon app’, nous avions d’ailleurs puisé notre inspiration à Londres !).
Puis les MDD ont évolué pour répondre aux attentes de consommateurs de plus en plus exigeants, qui attendaient de ces produits les mêmes caractéristiques que ceux des marques nationales, le prix en moins. Ce fut la grande époque des « me too » : des copies, du produit au packaging.
Mais aujourd’hui les distributeurs ont su créer des marques et des produits uniques (mêmes fabricants mais cahiers des charges différents), complétant ainsi l’offre des marques nationales, et apportant une réelle valeur ajoutée aux consommateurs, en plus du prix.
Carrefour a par exemple créé une housse de couette zippée, et Intermarché (avec le fabricant Lemoine) un coton-tige nommé Labell Stick qui s’imbibe de démaquillant, de désinfectant ou même de produit anti-acné (présents dans le bâtonnet) d’un simple geste.
Car même si les MDD occupent une grande place en rayon et dans le panier des consommateurs (environ 40% en 2014 selon IRI), cette moyenne varie toutefois en fonction des types de produits : plus un produit est « impliquant », plus la relation de confiance établie avec la marque nationale est importante, et moins les MDD parviennent à la détrôner.
En résumé, les distributeurs n’ont pas d’autre choix car :
– Ils se livrent aujourd’hui une guerre des prix féroce (ça reste le nerf de la guerre en période de crise) : pour se différencier ils ont besoin de créer de la valeur > ils misent donc sur leurs propres marques pour bâtir une image de marque solide et unique, et ainsi tisser des liens de confiance avec leurs consommateurs.
– De l’autre côté, les marques nationales ne peuvent survivre qu’en apportant une importante valeur ajoutée au consommateur qui puisse justifier ses prix plus élevés, et en développant une relation forte avec eux. Elles rivalisent d’ingéniosité tant en termes d’innovation que de communication. Par conséquent et c’est un cercle vicieux (ou vertueux !), les MDD doivent à leur tour innover pour rester dans la course.
D’autant que les marques nationales sont également les fabricants des MDD : elles ont donc tout intérêt à proposer des produits différents pour gagner sur tous les tableaux et ainsi éviter la « cannibalisation ».
Le positif pour le consommateur : cette bataille tire les MDD comme les marques nationales vers le haut !